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Nous faisions quelques tours sur la balançoire face au toboggan, puis un essai sur le trapèze afin de tester nos performances en cochon pendu.
Allez stop, il est temps d'aller « à la maison »
Dans un recoin caché formé par la classe de maternelle, non visible depuis l'accès à la grande cour, nous nous apprêtions à accomplir notre jeu quotidien. Ce recoin abritait un autre bac à sable. Ici toutes les filles de mon âge répondaient présentes. Nous y faisions des petits monticules de sable symbolisant des murs. Nous créions une maison imaginaire et nous jouions au papa et à la maman mais sans papa.
Le jeu était rôdé et ne connaissait pas de remise en question. On fabriquait notre maison, son salon, sa cuisine, ses chambres et son couloir. On désignait un rôle à chacune, il y avait la maman, le bébé, le papa et l'adolescent. Le jeu consistait surtout à mimer des moments de la vie avec ses joies et ses peines.
S'entrainer pour les émois familiaux qu'il conviendra de comprendre et de gérer dans sa future vie. Le papa sortait travailler et la maman gardait le bébé. La cloche retentissait, il fallait retourner en classe, on mettait l'histoire en suspens. Cette maison était notre maison, personne ne venait y toucher. Puis arrivait l'heure de l'autre récrée, on rejouait les scènes de la vie, l'ado qui se rebellait, la maman qui criait, le papa et la maman qui se fâchaient. Est-ce qu'il y avait un but ? Je ne me souviens plus.
Ils étaient où les papas ? Les garçons ? Ils jouaient au foot. Rectangle de la mort à cette époque, j'ai appris à m'en méfier. Inconsciemment j'intériorisais la peur de la balle et à aucun moment il m'est venue l'idée de venir essayer cette discipline. Je ne dirais pas que c'était inconcevable, c'est juste que jamais je n'ai eu cette idée.
Le terrain de foot, la plus grande surface libre consacrée à un seul jeu dans la cour. Espace central, visible de tous : là où la performance masculine se forge, se met en scène : cris et manifeste des railleries. Se chambrer, rigoler, performer ensemble aux yeux de tous. Apprendre à avoir confiance en ses performances physiques, apprendre à se dépasser, apprendre à se comparer et à gagner.
Et moi pendant ce temps ? En repli, à l'abri des regards à reproduire les émotions, reproduire la vie de famille. Notre maison de sable visible de personne, dans son coin. Ce semblant de vie domestique caché par la société et géré par les femmes.
Bon conditionnement, bon enseignement que la maison de sable. La vie domestique reste imperceptible tandis que la performance masculine physique est visible.
Pendant que les garçons de six ans apprennent la confiance en soi et la compétition, les filles du même âge se conditionnent à la vie domestique.
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