Il y a des secrets inavouables enfouis au plus profond de soi. On se ment, on ment à ses proches, on se réinvente. Il y a des défauts qui refont surface malgré nous, on aurait préféré que notre conjoint ne les voit jamais. Il y a des passions inavouables, des jeux mystérieux qui titillent notre curiosité mais on ne dit rien.
Je porte le poids de tout cela. Je suis intimement animée par une pulsion peu répandue chez l'être humain. Je n'en parle pas, je cache ma vérité au monde mais plus le temps passe plus il m'est difficile de me contenir.
Nous sommes le 20 septembre, il est 19h30 et il fait frais dehors. La chaleur écrasante s'en est allée pour quelques jours laissant une France suffocante se remettre des ses émotions estivales. Le mercure baisse et pourtant ça sent encore les vacances paraît-il.
Il ne m'en faut pas plus, moins de dix degrés annoncés, je suis déjà en train d'enfiler mon fameux « legging d'intérieur ».
Je range sans aucun regret les shorts et les robes légères. Excitée, euphorique, je déterre avec frénésie les trésors hivernaux de mon dressing. Le jogging ample en mailles, le pantalon legging de ski avec de la polaire à l'intérieur (cœur avec les doigts) le sweat molletonné à capuche. Les vêtements épais sont jetés avec frénésie dans le salon, ils retombent sur la table, les chaises, le canapé. Et moi je continue. Vient un moment suspendu dans le temps, un moment de volupté que seuls les initiés peuvent comprendre : les retrouvailles avec la polaire. Vêtement du démon il y a encore un an, elle est devenue mon amie, ma go sûre, mon alliée contre le froid, ma réponse franche à l'hiver. Je retombe avec émotion sur ma première polaire ( voir mon article si bien nommé La polaire ) mon regard se détourne, j'en ai trouvé une très jolie cet été, mes yeux ne jurent que par elle. Une larme coule, mes mains s'en saisissent, la matière épaisse sous mes doigts, le moelleux m'apaise.
Je redresse le nez vers la fenêtre, un rayon de soleil entre dans le salon comme s'il voulait nous réconforter, nous affirmer qu'il était toujours là et qu'il ne fallait pas s'inquiéter, l'été allait perdurer. Il commence à faire plus chaud dans le salon. Je regarde notre station météo (terme ringard inutilisé depuis 2004) et je vois les degrés Celsius augmenter. Damnation, non !
Je fais partie de cette race qui aime l'automne.
Il fallait bien que le masque tombe un jour ou l'autre : j'adore l'automne. L'automne c'est le renouveau. En été on vit dehors, ensemble. L'automne est une transition douce au recentrage vers soi qui nous attend en hiver. L'automne c'est un bonbon discret. Comme si on n'avait pas laissé sa chance à l'automne.
Les feuilles changent de couleur et leurs gammes orangées à marron sont éblouissantes. Les nuances m'émeuvent, je contemple l'arbre devant chez moi avec admiration. Il nous offre le plus beau des spectacles dans un silence de plomb, un bruissement de feuilles dans ses moments les plus fous. La chlorophylle s'est bien donnée cet été, il est temps de se renouveler. La sénescence programmée n'a rien de mal.
L'automne c'est mes jambes qui se couvrent avec des tissus épais et doux. Ce sont les journées froides mais ensoleillées, c'est un livre que l'on dévore seul.e. L'automne c'est aussi le temps des promesses faites à soi-même. Cet hiver je ferai plus de sport, je cuisinerai et je lirai. Nous devons nous préparer à rester davantage chez nous en hiver, l'automne amorce avec délicatesse ce changement d'état.
Mon espoir est dans l'automne mais je ne peux pas le dire, les gens préfèrent l'été. Ma passion automnale est socialement inadaptée. L'été me ressemble moins, c'est l'exaltation, la démesure, les cris, les rires forts et l'insouciance. Moi je contemple plus que je ne parle, je souris plus que je ne ris, je tapote sur un clavier plutôt que d'étaler mes jambes sur du sable chaud. Je suis une fille de l'automne.
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