![](https://static.wixstatic.com/media/0ab40a_7de19bba224e46c29f2a9a961c7ca166~mv2.jpeg/v1/fill/w_980,h_1470,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/0ab40a_7de19bba224e46c29f2a9a961c7ca166~mv2.jpeg)
Quand j'étais enfant je n'arrivais pas à imaginer que mes parents aient été des enfants aussi. Pour moi, mon présent était la référence chronologique unique de la Terre (en toute simplicité). Il n'y avait que moi, enfant de neuf ans avec mes parents d'âge adulte et ma petite sœur de cinq ans. La Terre n'avait pas d'avant et n'aura pas d'après. J'en étais le repère temporel et mes parents n'avaient pas existé sans moi. On a un sacré problème d'égocentrisme exacerbé lorsqu'on est enfant. J'avais cette sensation que tout avait toujours été comme ça et que cela continuerait perpétuellement.
J'ai grandi et je suis allée au collège. Les grands-parents nous regardaient l'oeil humide en nous chuchotant qu'on avait la vie devant nous. On comprenait bien que les adultes ne nous considéraient pas encore comme leur égal, mais nous n'étions plus pour autant des enfants.
Le lycée s'est enchaîné, on se rapprochait de la majorité. On se sentait puissant, on pensait d'ailleurs tout comprendre à la vie. Puis on a soufflé nos dix-huit bougies, on a quitté le nid. La vie étudiante nous a appris à vivre sans nos parents, notre cocon, on s'est forgé.
La société, les médias continuaient de nous classer dans la catégorie des « jeunes ». On faisait mine de ne pas y prêter attention, on le considérait comme acquis. Un peu comme lorsqu'on était enfant, on pensait que cette sensation c'était pour la vie. Une jeunesse immuable.
La vieillesse c'était pour les autres. Elle semblait loin et nous on avait vingt-cinq ans.
J'ai toujours eu conscience de la vieillesse, j'ai toujours observé les adultes autour de moi, leurs comportements et leurs rapports aux « jeunes ». Je n'ai jamais eu peur de vieillir et je trouvais triste de se lamenter à chaque année passée. D'autant plus qu'une année qui passe me semblait être un cadeau, de l'expérience, de la sagesse et surtout l'avancée promise vers le destin, la suite quoi.
Plus le temps passait, plus j'étais sereine et en accord avec mon âge et ma vie. Pour autant, le jour où j'ai découvert que je n'étais plus dans la catégorie des « jeunes » a été un bouleversement.
Tu mènes des jours heureux en plein déni sur ton âge et ta génération. Tu mets ta petite polaire North Face et tes New Balance 530, fière comme un poux de ton évolution en terme de chaussette. Car tu es de la génération où la chaussette ne doit pas se voir rappelons-le. Tu as réussi à dépasser tout ça : NB aux pieds et chaussettes blanches visibles. Trop-trop-fière.
Tu déambules, tee-shirt blanc épais rentré dans ton jean taille haute brut et Paraboot aux pieds (toujours la chaussette visible car tu apprends vite) et puis devant toi deux meufs de vingt ans de dos. Tu-fais-le-calcul-rapidement-dans-ta-tête-et-tu-réalises-que-lorsque-tu-avais-dix-ans-elles-n'étaient-même-pas-nées.
Silhouettes analysées : amples.
Accessoires marquants : bob, jogging à pression Adidas et un mini sac porté à l'épaule bien calé sous l'aisselle.
Toute ta vie vestimentaire défile sous tes yeux. Tu vois tes onze ans, ton jean taille basse, ton crop top à signe chinois, ton collier noir ras du cou. Tu as enduré tout ça pour vivre ce moment d'apothéose stylistique à trente-deux ans. Au top de ta maîtrise du style, tu as sous les yeux un cliché tout droit sortie des années 90. Tu tournes la tête, cherchant désespérément un soutient dans le regard d'une autre trentenaire dépassée par les évènements et prête à convulser.
Tu as la preuve sous les yeux que la mode est bien un cycle. A trente ans passé, tu as assez d'expérience pour avoir vécu à sa naissance un style et le voir revenir des décennies plus tard. Et le pire dans tous ça, c'est qu'il veut duper son monde en mode « je suis trop frais » alors que je peux te dire que du pantalon cargo et du crop top moulant j'en ai porté bien avant 2023 !
La conclusion de cet article est une relation de cause à effet non élucidée : je n'adhère plus à la mode donc je ne suis plus jeune ou je ne suis plus jeune donc je n'adhère plus la mode.
Comments