top of page

Ma nourriture




 

La peur du vide littéraire. Cette angoisse permanente qui m’oblige à anticiper mes achats. Cette méthode maladive de penser au prochain livre, avant même d’en terminer un. Il n’est pas pensable de rester quelques jours sans rien avoir à lire.


Il faut dire que ma situation ne facilite pas l’achat express de livre. Je suis enceinte de neuf mois. Si je me retrouve sans livre chez moi, il ne me suffit pas de sauter sur mon vieux vélo rouillé et de pédaler chez Mollat ou à la Fnac. Les déplacements sont extrêmement restreints. Mes jambes et mon souffle ne me le permettent plus. Alors j’anticipe et c’est toute une histoire.


La première étape consiste à réfléchir au livre à venir. L’idée me vient souvent par hasard, en repensant à une conversation d’il y a deux ans avec une amie (La vie devant soi, Romain Gary) en retombant sur l’image de couverture d’un livre sur internet (L’écriture comme un couteau, d’Annie Ernaux) en entendant un nom d’autrice à la radio qui attise ma curiosité (La carte postale, Anne Berest) en écoutant l’interview d’une écrivaine lors d’un podcast (Mon mari, Maud Ventura) Bref, au cours de ma vie, les livres se sont toujours immiscés d’une façon ou d’une autre.

Deuxième étape de femme enceinte géographiquement limitée : passer la commande. Cela demande une grande réflexion. Combiner bibliophilie et gestation oblige à trouver le point de retrait le plus proche. Le temps que le livre soit envoyé, qu’il soit réceptionné au point relais et retiré par mon mari, comptez environ une semaine.

Je suis une personne d’anticipation. Donc mieux vaut avoir plusieurs livres d’avance que zéro. Je suis du genre à en commander deux ou trois qui attendront sagement en pile sur ma table de chevet. Il faut dire que ma méthode a bien fonctionné pendant ces neufs mois, j’en suis plutôt fière.

 

Pourquoi cette peur du vide littéraire ?

 

L’idée de m’ennuyer chez moi, l’idée de ne rien avoir à lire pendant mon temps libre m’est insupportable. Je ressens ce besoin de me nourrir de livres comme je ressens cette envie impérieuse de betterave tout au long de ma grossesse (chacune ses obsessions de femme enceinte, les miennes ne sont pas aussi sexy que des fraises)

 

J’arrive apaisée au terme de ma grossesse. La promesse de l’aube, en évidence dans la valise de maternité, va m’accompagner dans un des plus grands bouleversements de ma vie. Je ne peux m’empêcher de faire le lien magique entre ce livre, qui m’est tombé dans les mains par hasard, et ce moment unique qui approche. Ce fils, Romain Gary, en décrivant cet amour maternel inconditionnel, traduit par la même occasion l’attachement que mettra l’enfant à la rendre fière. Ce genre d’amour que je m’apprête à vivre.

 

Les livres m’ont accompagné tout au long de ma vie. Chaque grand moment de cette dernière est marqué par le livre que je lisais à ce moment-là. Ils me permettent de m’évader ou au contraire à trouver des réponses.

 

Je remercie Marcel Proust, Maud Ventura, toutes les écrivaines du recueil Être mère dirigée par Julia Kerninon, Anne Berest, Annie Ernaux, Camille Yolaine et Romain Gary. Merci à tous de m’avoir accompagné tout au long de ces neuf mois aussi extraordinaires que fatigants. Aussi déroutants que révolutionnaires. Aussi durs que tendres.

 

Prévoyante, j’ai déjà dans ma valise de maternité deux livres d’avance, on ne sait jamais.

Posts récents

Voir tout

Rêveuse

Paname

コメント


bottom of page