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C’est toujours un peu le même cinéma quand je monte à Paris. Je débarque à Montparnasse, à peine mon pied foule le quai en enrobé que mon visage se ferme. J’ai appris à maîtriser les codes comportementaux de tous parisiens qui se respectent. Je fonce jusqu’au métro comme si je connaissais le trajet par cœur, comme si je le faisais tous les jours, comme si j’étais une vraie quoi. Je slalome entre les gens, mon sac à dos ne fait plus qu’un avec moi. J’évite une mamie, je double un enfant, petite queue de poisson à cet ado trop lent.
Bourgeoise de Province, bobo des capu, je suis persuadée de duper mon monde. Sourcils légèrement froncés, le regard dur et déterminé.
Finalement ça bouchonne à la sortie du quai, une première dans ma vie d’actrice. Comment aurait réagit une parisienne dans ce cas? J’improvise, je marche lentement, j’attends que ça se désengorge, je ne peux rien faire d’autres de toute façon.
Le mec derrière moi pousse sa valise dans mes jambes, cela se mesure par à-coups secs et maîtrisés comme pour me signifier que c’était moi le problème, que je pourrais avancer plus vite si je le voulais. Il voit bien pourtant que nous sommes une cinquantaine de personnes à marcher au ralenti.
Gentille bordelaise qui attend sagement, voilà la réponse parisienne que tu cherchais ! Donner des coups aux personnes innocentes devant soi pour montrer son mécontentement. Avant de filer d’un geste vif vers la gauche je donne un coup de pied vengeur en arrière dans sa valise, bim c’est gratuit. Satisfaction malsaine de parisienne.
Dans les tentacules métropolitaines je fonce, j’ai mémorisé le trajet par cœur. Pas besoin de regarder les panneaux, ni les directions, c’est un truc de touriste ça.
Instinct de survie. Toujours être à l’affût du moindre être humain qui se dirigerait trop vite vers soi, éviter l’impact à tout prix. Faire comme si on était seul dans un lieu surpeuplé.
Je marche vers le tourniquet final où se trouve un homme qui prend son temps. Au lieu de courir tête baissée, visage renfrogné, l'être humain s'arrête et bloque la sortie, il regarde un panneau imaginaire. J’esquisse un sourire. Comment cet homme a le culot de ralentir ? Il sait forcément que ce qu'il fait est grave. C’est un peu comme s’il faisait un énorme fuck à tout le monde en duffle-coat et barbe d’une semaine. Ultime provocation, provocation de velours, je m'incline.
Evacuer les sous-terrains au plus vite pour respirer l'air froid et saisissant de la capitale. Le vent est glacial, mes sourcils se défroncent légèrement, ma bouche se détend, même mon regard méfiant se dissout. Je m'apaise, je ralentis. J'observe la grande avenue magnifique, ces hauts bâtiments en pierre, ces façades dans la pénombre qui révèlent les vies intérieures, chaque fenêtre est un portrait de famille. Je m'émerveille.
Fucking provinciale, interprète en carton, actrice de pacotille ! Je ne tiens jamais mon rôle très longtemps.
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