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Quotidien printanier

Dernière mise à jour : 16 juil. 2023



Se réveiller à Paris et aller se promener dans le jardin du Palais-Royal. Longer les rangées d'arbres rigoureusement plantés. Tenter de deviner si des gens vivent vraiment derrière ces façades massives aux vues privilégiées. Voir des chiens courir, des joggeurs courageux et des parents promener leurs poussettes (inverser les mots et trouver que cela fonctionne aussi)

Repérer une place sur une chaise verte face à la fontaine. Sortir son livre et lire jusqu'à ce que le soleil éblouisse et oblige à froncer le front. Avoir soif et décider d'aller prendre un café en terrasse. Façades vitrées et petites tables rondes sur le trottoir, faire partie du décor parisien pour les étrangers et prétendre que c'est normal. Se lever et marcher sans but, sans personne, sans téléphone. Vraiment seule. Observer les façades de pierres si lumineuses en ce début de printemps. Porter une robe longue et des Converse trouées.

Passer devant la pyramide de verre, voir au loin la queue de touristes en quête d'oeuvres centenaires. Les imaginer marcher vite devant La pietà du XIVs et du XVs, faire demi-tour devant L'Incrédulité de saint Thomas pour arriver enfin dans la salle 711. Les 6000km d'avion valaient le coup. Voir la Joconde depuis son écran de smartphone puis repartir. Zoomer avec les doigts sur la photo prise pour tenter de déceler le regard énigmatique de Mona Lisa. Affirmer que « oui il y a bien une fossette qui se dessine au coin de la bouche » et repartir trotter de salles en salles.

Marcher sur le pont du carrousel sans savoir qu'il s'appelle le pont du carrousel. Longer le quai Voltaire et s'engouffrer rue Bonaparte en connaissant pertinemment la finalité de la promenade. Se souvenir de s'être dit à l'âge de huit ans lors d'une visite de la capitale avec ses parents « un jour j'habiterais rue Bonaparte » y réfléchir et rajouter « ça sera rue Bonaparte ou rue Jacob » Découvrir dix ans après que ces rues ont abrité d'illustres écrivains.

Passer devant l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture Paris-Malaquais et se dire « j'aurais bien aimé être architecte » puis continuer sa marche avec détermination. Arriver devant l'Eglise Saint-Germain, voir des mariés heureux en sortir, affirmer que pour se marier ici il fallait certainement avoir des connaissances hauts placées. Faire quelques pas, hausser les épaules et avouer que peut-être pas finalement.

Passer devant Les Deux Magots, se souvenir de la fois où une copine avait renversé sa tasse de café et rire jaune du fait que le liquide dans la coupelle valait plus de quatre euros. Arriver devant le café de Flore, ressentir l'histoire, se sentir minuscule et importante à la fois. Parait que des gens connus s'y mettent en terrasse.Rentrer dans le mythique café. Savoir d'avance que ça sera un expresso coûteux mais un expresso rempli d'histoire. Se demander si donner tant d'importance à un lieu a vraiment du sens. Est-ce que le livre de poche Le deuxième sexe tout corné et posé sur la table de chevet n'a pas plus de valeur que ce moment finalement ?

Sortir son carnet et écrire. Lever la tête par moment d'un coup vif, comme si l'idée venait de s'envoler. Griffonner, rayer, réécrire. Un quotidien fait de ratures et de papier noirci. Payer avec deux Dragibus rose, voir le serveur s'énerver et réclamer un noir avec assurance. S'excuser et dire que c'est bien marqué sur la carte, un café vaut bien deux Dragibus rose. Le serveur appelle son supérieur, un homme rond aux longues moustaches frétillantes « Mademoiselle, un café c'est un Dragibus rose et un noir c'est écrit ici regardez » Se confondre en excuses et fouiller au fond de son sac le fameux Dragibus noir. Leur donner penaude, partir rapidement.

Passer devant Lipp, et penser à se faire une choucroute prochainement. Lever la tête et voir toutes les feuilles de l'arbre tomber au sol, regarder autour de soi, personne ne semble surpris, on est pourtant début mai. Sentir de l'air sous ses pieds, se sentir légère et monter dans les airs. Avoir Paris sous soi, voir les artères de la ville, les arbres minuscules, les toitures noires et son carnet volant à ses côtés. Avoir la vue brouillée et se lever d'un bond dans son lit. Le réveil sonne, c'est mardi je dois aller travailler.

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