Mes amis et moi-même avons fini nos études il y a un ou deux ans. Nous sommes donc de très jeunes actifs. Aucun d’entre nous n’a d’enfant, ou montre l’envie d’en avoir. Nous louons nos appartements, aucun achat ne semble envisageable, les plus chanceux ont un moyen de locomotion motorisé. Cependant, certains ont craqué malgré tout pour une cafetière Nespresso. Une description pleine de complexité qui révèle notre situation. Nous sommes en fait en train de franchir la limite entre la vie étudiante et la « vraie » vie d’adulte. Nous avons 25, 26 et 27 ans, nous commençons tout juste notre vie active, nous nous sentons jeunes et vieux en même temps.
Tous les jeudis soir, nous sommes partagés entre nos envies de sortir et de boire (beaucoup) et la sagesse de vouloir se réveiller en forme pour aller travailler le lendemain. Le samedi matin, nous avons envie de traîner au lit jusqu’à une heure indécente, mais la rareté de nos jours de week-end nous pousse à nous lever pour « faire des choses de notre journée » On aimerait bien s’acheter un appartement, car paraît-il c’est un bon investissement, mais nous ne possédons pas plus de 3000€ tous comptes confondus. Pendant toutes ces années d’études nous rêvions de voyages, maintenant nous avons l’argent pour partir, mais plus le temps. Nous sommes sur une ligne blanche à franchir. Mais chacun de nos pieds se trouvent de part et d’autre de cette ligne. Nous rêvons de la légèreté éprouvée durant notre année Erasmus, mais nous ne pouvons nous empêcher d’angoisser pour l’avenir.
Il faut être courageux. Prendre la vie à bras le corps, et choisir notre camp. La société nous pousse à aller vers cette vie d’adulte prévue pour chacun d’entre nous. Les questions que je me pose sont les suivantes : avons-nous le choix ? Est-il possible de choisir une autre voie ? Et d’ailleurs, être un adulte c’est quoi ?
La définition de l’adulte est stupide, elle se fait souvent par le biais de la majorité. Un âge détermine votre capacité à être adulte. Moi j’ai 26 ans, je suis autonome mais parfois je ne me sens pas adulte pour un sou. Adulte signifie « grande personne ». Celle qui gère seule, sans appeler ses parents, les problèmes de CAF, de mutuelles ou d’impôt. Celle qui a des enfants en bas âge, celle qui travaille, celle qui a des plans pour l’avenir.
Pour ma part, ma technique administrative est très simple, dès que j’ouvre ma boîte aux lettres et vois un courrier qui semble important, j’appelle mon père : « papa il y a une lettre avec mon nom, qui me demande des documents à fournir dont je ne connais même pas l’existence, j’ai peur ! »
Lorsque j’ai mal quelque part ou que je suis un peu malade, j’appelle ma mère pour avoir son avis et attendre sa prescription : « va chez le médecin, prends un Doliprane, va au lit » Je m’exécute sagement, ne remettant en aucun cas en cause le diagnostic maternelle. Je tiens à préciser que ma mère n’a pas de diplôme de médecine. Et parfois même, c’est ma petite sœur, oui ma PETITE sœur, qui m’appelle pour me disputer parce que je n’ai pas pris de rendez-vous avec le spécialiste conseillé par mon médecin traitant.
Autant dire que niveau autonomie administrative et médicale j’ai du chemin à parcourir… Mais il y a pire que moi, mon copain, pour justifier sa flemme de gérer la paperasse, s’est auto diagnostiqué une « phobie administrative » Chacun ses méthodes.
J’entends encore souvent des amis dire « quand on sera grands » Mais bordel, on est grands, on l’oublie mais cela fait huit ans que la société nous considère comme des « grands ».
En même temps, je pense que la notion du « quand je serai grand » marche à tout âge. A dix ans je disais « lorsque je serai grande je mettrai toujours des talons » Je me voyais donc dès ma majorité, fouler le pavé de la ville en stylettos pour aller travailler. Et bien pas de bol, pour mes 25 ans je me suis acheté des Nike et je n’ai jamais mis une paire de talons en journée.
Faire de longues études nous oblige à repousser ce moment, la vie d’adulte nous paraissait loin, on a bien profité. Maintenant elle est face à nous, elle nous fait de grands signes pour que nous la rejoignions, nous y allons à reculons. « Viens là jeune cadre dynamique (oui parce que lorsque tu es un jeune cadre, tu te dois d’être dynamique) viens faire des horaires de merde, viens finir tard, viens travailler le week-end car nous sommes charrette (joie de l’architecte) viiiens viiiiens ! Et toutes ces festivités pour 1300€ par mois »
Ai-je le droit de partir en courant ?
Non mais je l’avoue, il y a des avantages à travailler. Tu as ton propre salaire, tu peux faire des achats sans rendre de comptes à tes parents. Exemple : tu peux acheter un sac de luxe hors de prix et faire croire à un ton père que c’est un sac lambda. Toutefois, tu ne peux t’empêcher de le menacer lorsqu’il s’apprête à le poser par terre. C’est juste un exemple, je ne connais pas cette personne. Tu peux projeter des voyages avec ta moitié, j’entends par là, la personne qui partage ta vie ou un(e) super ami(e) Tu peux rêver, créer ta boîte, trimer mais en vouloir et te donner à fond. Tu peux penser à l’avenir à deux, et aimer ça. Tu peux rêver à tous les beaux sacs que tu vas pouvoir t’offrir (encore une fois, je ne connais pas cette personne)
Alors oui, je pense que nous n’avons pas vraiment le choix, nous devons accepter de grandir. De franchir ce cap si effrayant. Cependant, c’est à nous de choisir comment nous le franchissons. C’est à nous de dessiner les contours de notre vie actuelle et future. C’est très effrayant, mais c’est maintenant que cela se joue. Allez go go go jeunes actifs, en avant les projets. Mettons nos peurs de côtés et choisissons notre destin.
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